Combien de fois ais-je pu lire ou entendre cette phrase ou une autre phrase similaire ? Je ne compte même plus et j’ai bien peur qu’on entende cette rengaine pendant encore de longues années… Il était donc temps pour moi de revenir sur ce mythe et lui tordre le cou une bonne fois pour toute… Tout du moins je l’espère !
Petit retour sur iOS
Mais avant d’expliquer en quoi Android n’est pas une copie d’iOS (le système d’exploitation de l’iPhone), il convient de revenir un peu sur iOS en lui même afin d’expliquer en quoi cet OS était novateur.
Présenté et sorti en 2007, l’iPhone a radicalement changé le paysage de la téléphonie mobile. Son utilisation intelligente de l’écran tactile capacitif et d’une interface graphique adaptée et pensée à fond dans ses moindres recoins en a fait un réel « game changer » comparé à ce qui existait alors.
Si quasiment aucun des éléments intégrés à l’OS n’était nouveau en soi, l’intégration de ces éléments réfléchie et simplifiée à l’extrême ont rendu la chose accessible au grand public avec une implémentation propre et efficace.
En effet, Apple n’a en aucun cas inventé le multitouch ou les gestes qui y sont associés comme le zoom à 2 doigts, bien des entreprises avaient travaillés depuis longtemps sur le domaine depuis des années. De même, les éléments basiques de l’interfaces de l’iPhone, la grille d’applications, l’affichage sous forme de listes, ou quasiment tous les autres éléments existaient d’ores et déjà dans de très nombreux appareils depuis très longtemps et font partie des fondements même de l’interface graphique depuis plus de 30 ans.
Ce qui a rendu iOS si exceptionnel à l’époque, c’est que chaque affichage, chaque écran, chaque partie d’application était pensé de A à Z, en ayant comme obsession de pouvoir à tout moment répondre aux questions « qu’es-ce que je vois sur l’écran et comment je peux agir avec ces éléments ? ». De nombreux articles ont déjà expliqués la manière de travailler d’Apple à l’époque, menés par Steve Jobs, avec cette volonté très forte que la chose soit le plus intuitif possible et qu’en quelques instants n’importe quel utilisateur puisse utiliser l’appareil.
Pour faire cela, Apple a repensé chaque chose, et n’a laissé dans l’OS que les éléments les plus basiques. Poussant à l’extrême le minimalisme et le dépouillement. Ce n’est peut être pas un hasard si Apple a attendu iOS 4 pour offrir à l’utilisateur la possibilité d’afficher une image en fond de la grille d’applications…
L’avantage évident de cette politique est que n’importe quel utilisateur va très rapidement pouvoir utiliser l’appareil sans se poser de questions. L’inconvénient à l’opposé est que ce même utilisateur n’a que très peu de possibilités de personnalisation de son appareil, sorti des rares réglages offerts par l’OS, impossible de modifier réellement l’aspect ou les fonctionnalités.
Autre défaut de cette politique, l’ajout de fonctionnalités par Apple se voit limité par cette volonté de minimalisme. Que ce soit le multitâche ou les notifications, aucune des nouveautés offertes n’a changé fondamentalement l’interface. Pire encore, les fonctions plus avancées sont cachées et peu évidentes à deviner. L’utilisation du double voire triple clic sur l’unique bouton central a été une parade hasardeuse pour palier au manque de boutons pour réaliser certaines actions.
Dans le même ordre d’idée, l’impasse faite sur un bouton « retour » est des plus surprenante, obligeant chaque application à créer son univers de navigation propre avec du coup un comportement qui peut parfois être très différent d’une application à l’autre.
Tout ceci je l’ai d’ores et déjà développé dans un précédent article : http://www.bheller.com/2011/10/22/ne-pas-confondre-apparence-simplicite-et-ergonomie/
Quoi qu’il en soit, ces limitations ne sont clairement pas un frein pour beaucoup d’utilisateurs, utilisant uniquement les fonctions les plus basiques et évidentes dans leur quotidien, c’est en grande partie ce qui a expliqué la popularité de l’iPhone depuis son lancement et il faut reconnaître qu’à ce jeu Apple a réalisé un coup de maître.
Quand le danger était là avant…
De son côté, Android n’est pas né au lendemain de la sortie de l’iPhone. Le projet est beaucoup plus ancien. En effet, ses origines remontent en réalité à un précédent projet du fondateur d’Android, Andy Rubin : Danger. En 2000, un ancien employé d’Apple fonde avec quelques proches une entreprise qui a pour but de créer un téléphone qui fasse plus que téléphone. La gamme d’appareils qu’ils créent à l’époque, connu sous les noms de Danger Hiptop ou T-Mobile Sidekick font parti des premiers appareils qui puissent être considérés comme étant des smartphones.
Les Danger sont des appareils avec un écran de type « slide » qui cachent un clavier complet en dessous. Un design finalement pas si éloigné de celui de certains appareils récents tels que les fameux Droid de Motorola. L’interface graphique est en grande partie réalisée par un certain Matias Duarte qui a intégré l’équipe Android en mai 2010 et à qui l’on doit en grande partie le nouveau look de Honeycomb et Ice Cream Sandwich.
L’OS en lui même est basé entièrement sur le langage Java, autre élément qu’on retrouve encore de nos jours dans Android.
De même, un « market » intégré permet de trouver aisément des applications pour l’appareil, le « Danger Download Catalog ». Ce market est l’unique moyen pour pouvoir installer des applications. Un SDK permet de développer ces applications dédiées à l’appareil, il se voit doté d’un simulateur pour les tester avant de les soumettre à validation à Danger. Tout ceci ne vous rappelle rien ?
Comme vous pouvez le voir, plusieurs des éléments que nous connaissons et utilisons au quotidien dans Android ne sont ainsi clairement pas inspirés d’iOS mais sont tout simplement dans la directe lignée des appareils de l’époque. De l’utilisation du Java au coeur de l’OS au marché d’application centralisé. On ne pourra pas reprocher à Andy Rubin de ne pas avoir de la suite dans les idées !
Les appareils de Danger ont eu un beau succès à l’époque, principalement aux USA. Mais cela ne suffisait visiblement pas à Rubin qui voulait aller plus loin des les capacités de l’OS et des appareils. Il quitte alors Danger en 2003 et fonde Android, Inc. pour développer un OS encore plus évolué.
En 2005, Google qui s’intéresse de près à l’internet mobile et qui a déjà eu la primeur d’être intégré au sein des Danger depuis 2003, décide de racheter Android afin de pouvoir se baser sur les travaux de Rubin pour y intégrer les services de l’entreprise.
La première version dévoilée lors du rachat de l’entreprise en 2005 est relativement éloignée de l’OS que nous connaissons à ce jour. On retrouve bien plus un design proche des appareils de l’époque pour qui le tactile n’était encore qu’un doux rêve. L’appareil présenté ressemble même beaucoup aux BlackBerry qui, comment les Danger, connaissent un grand succès.
Pourtant comme vous le savez désormais, si les bases graphiques sont à mille lieues de l’Android de 2008, tout le coeur de l’OS est bien là avec sa base 100% Java qui permet de s’affranchir des limitations matérielles et offre un potentiel d’intégration sans limites. Evidemment, une bonne partie du plan d’origine a été bousculé par la sortie de l’iPhone en 2007.
La copie qui se différencie
Il serait totalement mensonger de dire qu’Android ne s’est pas inspiré de l’iPhone. L’utilisation 100% tactile n’était clairement pas dans le projet original mais il reste relativement difficile de savoir à quel moment le changement a été effectué. Que ce soit suite à l’annonce officielle de l’iPhone ou avant comme voudraient le croire certains qui accuseraient le CEO de Google de l’époque, Eric Schmidt, d’avoir profité de sa position au conseil d’administration d’Apple, la chose importe finalement assez peu. L’histoire de l’informatique et des technologies est remplie d’évolutions s’inspirant du travail des autres, voire même du vol pur et simple de ce travail.
Partant du principe qu’une interface tactile se base sur des éléments d’ores et déjà connus bien avant l’iPhone, comme je l’expliquais plus haut, il n’est pas totalement surprenant de retrouver des similitudes entre l’interface d’Android et de celle de l’iPhone. De même il est certain que certaines des idées d’Apple ont été une source d’inspiration, mais Android a dès sa première version public apporté des éléments différenciant très forts.
En premier lieu, le bureau d’Android. Là ou iOS n’offre qu’une grille d’applications en vrac, Android affiche en premier lieu un espace graphique riche, sur trois volets, qui laisse une grande part de personnalisation possible pour l’utilisateur. Que ce soit le fond d’écran obligatoire, les différents types d’icônes (applications, raccourcis, favoris…), l’utilisation possible de dossiers et surtout l’affichage d’éléments riches et animés que sont les Widget, Android présente une interface à des années lumières d’iOS ! Sans rentrer dans le débat du look ou encore de la simplicité d’utilisation (voir mon précédent article que j’ai mis en lien plus haut), il faut reconnaître que pour une copie, elle s’éloigne très largement du modèle.
Autre élément très différent dès le début d’Android, les notifications et sa fameuse barre de statu qu’on peut tirer pour les lires. Ce comportement particulièrement pratique est une innovation propre à Android.
L’affichage de la liste des applications d’Android est ce qui se rapproche le plus de l’écran de base d’iOS. Mais là encore la copie n’est que visuelle dans un premier temps, à l’utilisation la chose est très différente, impossible de déplacer l’ordre des icônes ou de supprimer rapidement une application depuis cet écran. L’affichage se fait par ordre alphabétique, point.
Le matériel lui aussi est très différent, là ou iOS n’utilise en tout et pour tout qu’un seul et unique bouton, Android en impose 4 de base. Le plus crucial étant certainement le bouton « retour » qui est contextuel et se souvient de votre parcours au fil des écrans, quelques soient les applications que vous avez utilisés. Un click sur un lien depuis un email pourra vous amener dans l’application du navigateur internet. Un appui sur le bouton retour vous ramènera au mail et non à la page précédemment vue dans le navigateur, logique mais novateur !
Au delà du look, Android a depuis ses débuts, et ce même avant son passage au tactile, fait la part belle au multitâche. Là ou iOS n’exécutait qu’un seul programme à la fois, Android propose de base des processus qui peuvent rester en tâche de fond. C’est à la fois une force et une faiblesse. En effet, entre l’utilisation du Java et ce procédé, c’est ce qui a longtemps associé une image d’OS qui « rame » comparé à la fluidité quasiment sans faille de l’iPhone (quoi que depuis beaucoup ont déchanté, les possesseurs d’iPhone 3G ou 3Gs savent de quoi je parle). Mais c’est aussi ce qui a permit à Android d’offrir bien plus de possibilités aux développeurs pour réaliser ce qu’ils veulent et au final à l’utilisateur qui peut profiter de plusieurs éléments en simultané (un player audio pendant la rédaction d’un mail par exemple).
Les applications ont une autre force sur Android comparé à leurs pairs sur iOS, le partage ! En effet, il est très simple de profiter des possibilités d’échange d’une application à l’autre. Prenez une photo, vous pouvez en un clic l’envoyer sur twitter, facebook, google+, par mail ou autres en fonction des applications installées sur votre appareil… Aucun besoin pour le développeur d’avoir à s’interfacer à chacun de ces services pour pouvoir en profiter, et donc bien plus de potentiel laissés à l’utilisateur final qui verra comme possibilités de partage uniquement les services qu’il connait.
Enfin, dernier élément majeur qu’à apporté Android, la mise à jour dite « Over The Air » (OTA), intégrée nativement et qui a de tout temps permit une évolution simple d’une version à l’autre pour l’utilisateur. Même si dans les faits tout le monde n’a pas joué le jeu autant que prévu…
Je n’évoquerais que rapidement d’autres possibilités comme le copier / coller, le lockscreen et déverrouillage graphique ou les claviers alternatifs qui étaient intégrés de base… Pas plus que la possibilité de replacer totalement le lanceur principal par un autre au look & feel totalement différent si l’utilisateur le désire, possibilité qui a fait le succès de fabricants comme HTC et son Sense..
Aucun de ces éléments de base n’existait à l’origine dans iOS, et certains restent encore à l’avantage d’Android. il est même assez amusant de voir qu’Apple a peut être même plus copié Android que l’inverse depuis ! Que ce soit les fonds d’écrans, les dossiers, le multitâche, les notifications, les mises à jour OTA, un début de « widget » et j’en passe… Qui copie qui finalement ?