Depuis que Steve Jobs a lancé le terme du « post-pc » en évoquant les nouveaux usages informatiques offerts par son iPad, la presse c’est fait l’écho de ce nouveau mode d’utilisation. Pourtant, au grand dam des aficionados d’Apple, et malgré les superbes ventes de l’iPad, ils ne représentent toujours qu’une petite minorité des appareils vendus et utilisés dans notre quotidien.
En effet, sur l’année 2011, il s’est vendu un peu plus de 35 millions d’iPad, un chiffre impressionnant, tant pour une seule entreprise que pour un nouveau marché d’à peine 2 ans. Mais dans le même temps il c’est vendu 10 fois plus d’ordinateurs « classiques », les estimations allant de 350 à 370 millions d’ordinateurs vendus.
Si on ajoute à cela le nombre d’ordinateurs déjà installés dans les foyers et entreprises toujours en activités, la proportion des tablettes est encore parfaitement anecdotique dans notre quotidien, et on est encore loin de pouvoir se passer d’un bon vieux « PC » (ou Mac) pour réaliser tout un tas de tâches. L’étude de comScore de l’année 2011 que je commentais ici même révèle assez bien la chose, ainsi aux USA les tablettes ne représentent que 2,5% des appareils connectés.
Cependant il est tout de même difficile d’ignorer l’évolution du marché du smartphone et des tablettes, il s’est vendu pour la première fois de l’histoire plus de smartphones que d’ordinateurs en 2011, et la tendance associée aux tablettes n’est pas prête de faiblir pour le moment. Le bon vieux PC est bien en danger de mort… Où alors c’est ce qu’on voudrait nous faire croire ?
Car il y a une voie qu’Apple et Steve Jobs semble ne pas avoir vue venir, celle de la convergence entre ce nouveau mode d’utilisation et l’ancien. Mais pas du tout de la manière qu’Apple tente de le faire en mimant l’usage d’iOS dans son système d’exploitation pour ordinateurs, réduisant d’autant les possibilités des applications et au final laissant planer l’ombre d’un contrôle plus strict de ce que vous pouvez faire sur votre propre machine de la même manière qu’elle le fait déjà sur ses appareils iOS.
Cette autre solution, bien plus souple, commence à pointer son nez dans différents concepts qui n’ont pas encore été mis sous les feux des projecteurs mais qui pourrait bien elle révolutionner nos usages dans un très proche avenir. Cette solution c’est celle d’intégrer l’univers du PC directement au sein de nos smartphones et tablettes ! Je m’explique…
Qu’est-ce qui différencie les smartphones et tablettes d’un ordinateurs classique finalement ? Peu de choses dans l’absolu, tous ont un processeur qui est de plus en plus puissant, un processeur graphique lui aussi de plus en plus puissant, de la mémoire et de l’espace de stockage. Si on ajoute à ça une connectivité forte (wifi, usb, 3G, GPS, Bluetooth, NFC…), certains appareils mobiles actuels sont de fait plus évolués que bien des ordinateurs que nous avons chez nous…
La grosse différence reste principalement dans l’interface avec laquelle nous travaillons sur ces appareils, ils sont 100% tactiles, là ou les ordinateurs passent encore par la souris (ou trackpad) et le bon vieux clavier. Autre différence, ils affichent directement l’information là ou un ordinateur utilisera principalement un affichage déporté (un écran).
Dès lors, que se passerait-il si vous connectiez votre smartphone survitaminé de dernière génération à un écran, une souris et un clavier ? N’auriez vous pas quelque chose de très proche de ce que peut offrir un ordinateur bien classique ?
Cette réflexion, je ne suis absolument pas le premier à la faire, et les prémices de solutions allant dans cette direction fleurissent depuis quelques mois. On a ainsi vu l’an dernier le concept de l’Atrix de Motorola, smartphone qui pouvait se brancher sur un dock en forme de mini portable qui lui permettait ainsi de se transformer en véritable mini ordinateur sous Linux.
Plus récemment on a aussi vu l’annonce de Canonical qui présentait son Ubuntu For Android, une solution proche qui permet d’avoir un Linux Ubuntu complet lancé à partir de n’importe quel smartphone du moment qu’il est connecté sur la base dédiée.
On retrouve aussi cette idée dans les solutions « Transformer » et « Padfone » d’Asus qui intègrent le smartphone comme moteur d’une tablette ou d’un mini ordinateur, qui pour le coup restent sous Android.
Tout ceci n’est pas bien éloigné du concept qui fait fureur dans la geekosphère depuis quelques mois, le fameux Raspberry Pi, un ordinateur miniature réduit à son plus simple appareil, pas beaucoup plus gros qu’une carte de crédit, vendu moins de 30 dollars. Ce mini ordinateur ressemble à s’y méprendre aux configurations des smartphones actuels, et il pourrait très bien être adapté en tant que tel avec quelques ajouts simples.
Enfin, et pas le moindre, le dernier acteur à s’orienter vers cette voie n’est autre que Microsoft. Avec son futur Windows 8, la firme de Redmond a décidé d’entrer de plein pied dans le jeu, en offrant un système d’exploitation pouvant très bien être utilisé tant sur un ordinateur classique que dans une tablette, voire même pourquoi pas, un téléphone… Même si les choix effectués par Microsoft pour y arriver sont très contestables, il semble clair qu’ils veulent pousser les gens dans cette optique.
Il ne manque finalement que bien peu de choses pour que la sauce prenne. Quelques problèmes subsistes toutefois. En premier lieu, le processeur. Car les ordinateurs classiques que nous avons utilisent historiquement des processeur dérivés de la famille « Intel X86 ». Sans rentrer dans les détails, ces processeurs sont encore plus puissant que leurs équivalents ARM qui équipent l’immense majorité des appareils mobiles. Et ils sont totalement incompatibles entre eux, impossible de faire tourner directement un logiciel fait pour une famille de processeur sur un autre sans quelques adaptations (au mieux une re-compilation).
Cependant, la partie puissance est en passe d’être une chose du passé, les processeurs ARM étant de plus en plus puissant, ils ont sans aucun doutes possibles atteint le seuil minimum permettant leur usage pour des applications lourdes tels qu’on les connais (word, excel, photoshop…). Et les prochaines générations promettent même de dépasser la famille Intel grâce à une conception différente. Ce n’est pas tout à fait un hasard si Windows 8 sera également proposé en version ARM, même si il sera limité dans un premier temps.
S’ajoute à ça l’action d’Intel qui pousse à utiliser ses processeurs dans des appareils mobiles, chose impossible à imaginer il y a encore 1 an et qui deviendra réalité dès cette année.
Le dernier problème reste donc l’offre logicielle. Si riche et si habituelle pour chacun. Comment imager un succès potentiel d’un « ordinateur » qui ne ferait pas tourner les applications que nous connaissons tous ? Car si l’iPad a réussit à ce petit jeu, il a profité de la formidable logithèque de l’iPhone lui permettant d’attirer les gens sur son petit frère. Mais la chose ne sera pas aussi aisée pour faire quitter les gens de Windows « classique » ou de Mac OS X. Il faudra absolument que les logiciels existants soient soit adaptés, soit que les appareils puissent exécuter directement ces derniers d’une façon ou d’une autre.
C’est peut être là que la force des applications « web » rendues possibles par les innovations du HTML5 pourrait créer une nouvelle forme d’usage de l’informatique qui s’affranchi du matériel. Difficile pour moi de ne pas évoquer une vision potentielle d’un smartphone Android qui se transformerait en « chromebook » une fois posé sur une base connectée à un clavier et un écran… Ou encore un Windows Phone qui se transformerait en un ordinateur sous Windows 8 de la même façon…
Difficile de savoir qui prendra la majeure part de ce nouveau gâteau, ce qui est sûr par contre, c’est que cela risque d’arriver bien plus vite qu’on ne le pense ! Vivement l’avenir, je suis pressé de voir si j’avais bien vu 🙂