Une des grandes force d’Android c’est clairement son ouverture et son modèle « open source » qui permet à quiconque d’utiliser l’OS mobile de Google sur l’appareil de son choix. A condition évidement de pouvoir intégrer les drivers des différents composants matériels, n’importe quel fabricant peut sortir un Android sans rien avoir à demander à Google.
Cette grande force, qui touche finalement bien plus les fabricants que les utilisateurs finaux, a très clairement aidée à séduire les fabricants qui ont ainsi pu disposer d’un OS tactile moderne à moindre coût et ont également pu intégrer leurs services et adaptations afin de se différencier des concurrents. Ainsi, même si le matériel est parfois proche, difficile de ne pas faire plus différent qu’un HTC d’un Samsung ou d’un Sony du point de vue de l’utilisation, en dehors des fondamentaux d’Android évidement, les interfaces sont parfois aux antipodes les unes des autres.
Pour autant, jusque là, tous les fabricants qui ont sorti des modèles validés « Android » par Google, c’est à dire ceux qui respectent une forme de cahier des charges permettant d’avoir accès aux applications propriétaires comme GMail ou le Google Play Store, ont respecté et utilisé les fonctions fournies par Android en fournissant uniquement des ajouts sur la base commune. Mais les choses sont en train de potentiellement changer, les annonces de Samsung vis à vis de son Galaxy S III en sont une belle preuve avec plusieurs fonctions natives remplacées par d’autres du fabricant. Ainsi, l’assistant vocal de Samsung qui copie ouvertement celui d’Apple, remplace totalement l’outil de reconnaissance vocale standard d’Android, pourtant loué pour sa qualité. Mais ce n’est qu’une des formes de « privatisation » d’Android qui existe.
La première forme qui est apparue historiquement, c’est celle qui reste principale dans des pays comme la Chine. En effet, si Android existe bel et bien dans ces contrées, il existe aussi de très nombreuses versions « alternatives » non comptabilisées comme étant des appareils Android en tant que tel car si le système de base est bien identique à celui fourni librement par Google, aucune des applications propriétaires de Google n’y est implémentée, à la place les utilisateurs découvrent des alternatives plus ou moins exotiques qui sont souvent de moins bonne factures. C’est aussi majoritairement là qu’on trouve la plus grande partie des virus et applications malveillantes de la plateforme, Google analysant et protégeant globalement bien mieux ses usagers. Cette forme de privatisation a surtout eu pour origine les limitations imposées par l’état chinois sur l’usage des nouvelles technologies, mais a aussi permis aux fabricants chinois de répondre rapidement à la demande en créant des modèles bas de gamme régulièrement modifiés en fonction des évolutions des composants et de leurs prix.
La seconde forme, celle que j’évoquais rapidement plus haut, une privatisation partielle qui n’a plus le but de se passer des éléments propriétaires de Google, mais plutôt de remplacer les éléments natifs d’Android par des versions propriétaires, tout en conservant les éléments de Google qui font la force du système. Le premier à avoir réalisé ça était HTC qui, tout en conservant l’ADN d’Android a modifié certaines applications principales pour leur donner le fameux look « Sense » que nous connaissons. Le navigateur, l’application SMS, la gestion des contacts ou autres ont été en grande partie ré-écrits par HTC. Samsung continue ainsi dans cette voie avec les changements opérés dans les fondements, l’assistant vocal, mais aussi le partage Android Beam amélioré par des fonctions propriétaires sont de bons exemples.
La dernière en date est plus récente, c’est celle qu’on retrouve dans la tablette tactile d’Amazon, le Kindle Fire. Là encore la base libre d’Android a servie de socle pour construire l’appareil. Mais à la différence des modifications chinoises, Amazon ne s’est pas contenté de quelques modifications cosmétiques légères, c’est tout l’usage du système qui a été repensé et remplacé par ses propres solutions. Ainsi, ni le navigateur internet, ni le magasin applicatif, ni la gestion des contenus n’est similaire à celle d’origine. Au delà même de Google, c’est tout le système qui est ici métamorphosé et transformé pour répondre aux besoins d’Amazon. Ce n’est évidement pas le seul exemple du genre, Barnes And Noble l’ont aussi employé pour leur Nook et le concurrent chinois de Google Baidu qui a récemment annoncé sa propre privatisation d’Android sous le nom de Baidu Yi.
Evidemment chaque forme de modification a un impact différent. La plus grande tendance est tout de même celle de s’affranchir de Google tout en profitant du travail effectué par ces derniers sur la plateforme. Ce risque là était bien évidement connu dès l’origine du choix d’ouvrir le code, et si il pouvait représenter un potentiel risque de voir un concurrent faire des bénéfices sans en faire profiter Google qui a pourtant investi massivement dans le système, c’était un calcul assumé et voulu par l’entreprise qui utilise d’autres méthodes pour garder une avance sur ce qu’elle offre à tous. Ainsi vous le savez, Android est libre mais uniquement à partir du moment que Google le décide. On a ainsi attendu la sortie d’Android 4 pour avoir accès au code d’Android 3, et les prochaines évolutions d’Android sont pour le moment précieusement gardées dans les mains de l’entreprise californienne ainsi que de ses partenaires directs, ceux choisis pour créer les futurs Nexus. Google garde ainsi le bénéfice du coup d’avance et surtout est arrivé à imposer le sceau « Android » comme une marque reconnue du grand public qui recherche ces produits.
Evidemment on peut aussi se demander si ils ont fait le bon choix quand on voit à quel point les tablettes Android ont du mal à s’imposer quand Amazon a réussit son coup avec un énorme dumping sur son Kindle Fire. Il semble plus probable que Google espère s’imposer sur la durée, en apportant là encore le sceau Android qui signifie une garantie de retrouver toutes les applications et l’écosystème que l’on connait déjà. Reste à voir si à terme ce choix était viable, pour le moment il reste difficile d’y voir autre chose qu’un échec. Cependant, si un développeur se mettait en tête de créer une application dédiée au Kindle Fire, il n’aurait que très peu de travail nécessaire pour faire que ton application soit également disponible pour toutes les autres tablettes Android, au final tout le monde en profiterait.
La chose me parait en définitive plus grave dans le cadre des modifications effectuées par Samsung par exemple. Le partage de contenu Android Beam était une des fonctionnalité phare d’Ice Cream Sandwich, le dérivé de Samsung, le S Beam est une évolution intéressante qui permet de partager des fichiers en Wifi d’un appareil à l’autre. Seulement cette fonction ne sera possible qu’entre Galaxy S III, et il n’est même pas dit que l’Android Beam classique fonctionne par exemple entre un Galaxy Nexus et un Galaxy S III… Pour le coup ce n’est même plus Google qui se voit léser mais l’utilisateur final qui, avec une nouvelle forme de fragmentation du système, aura des incompatibilités d’usages d’un appareil à l’autre…
Il est important à mon sens de voir comment vont évoluer ces différentes « privatisations » et voir comment Google va gérer la chose à l’avenir. Google est actuellement jugée pour la reprise d’éléments anciennement détenus par Sun, maintenant Oracle, sans en avoir eu le droit. Ils ont été reconnu partiellement coupables et on attends de savoir quels seront les conséquences d’une éventuelle sanction. Il me semble qu’à un moment ou un autre, tout ceux qui profitent indirectement du travail de Google et donc de celui de Sun peuvent craindre des poursuites similaires, étant donné qu’ils ont tous profité d’Android pour créer leur propre écosystème, cela risque bien de faire l’effet d’une petite bombe dans ce milieu.